Le projet

Le projet est consacré au mehri d'Oman, au jibbāli et au hobyot, langues sudarabiques modernes (SaM, famille sémitique), parlées en Oman. Deux raisons le motivent : i) ces langues sont en danger : minoritaires, sans statut officiel, ii) elles sont sous-étudiées et, de ce fait, minorées en sémitique. À la nécessité de recueillir des données nouvelles s'ajoute donc l'urgence de le faire. Pour l'institution porteuse du projet, aux dividendes scientifiques s'ajoutera ainsi un retour d'image : elle contribuera à sauvegarder, tant qu'il en est encore temps, cette part menacée du patrimoine linguistique humain. S'agissant d'une institution française, elle poursuivra une tradition ancienne — c'est le Consul de France F. Fresnel qui en 1837 fit connaître l'existence des langues SaM, et elle donnera une impulsion nouvelle à la tradition française en SaM. Le projet a deux objectifs :

  1. Documentation : actualisation et accroissement des données disponibles en mehri d'Oman, jibbāli et hobyot ; constitution de corpus électroniques systématiques, qui seront stockés, archivés et mis à la disposition des chercheurs.
  2. Analyse linguistique, centrée sur quatre points : phonétique / phonologie du larynx ; structure morphologique du système verbal ; détermination et modification du nom ; dialectologie, comparatisme. Ces points ont été sélectionnés en raison de a) l'insuffisance actuelle de leur description et analyse, b) leur pertinence pour la théorie linguistique, c) leur aspect fédérateur dans l'équipe.

La compréhension des activités glottales impliquées en SaM dans les éjectives (qui combinent éjectivité, pharyngalisation, creaky voice, sonorisation, déplacement du point d'articulation) et les non- voisées non-éjectives, aux propriétés phonologiques intrigantes, éclairera tant la phonologie des langues étudiées que la phonétique générale. Sur la base des paradigmes verbaux actualisés du mehri d'Oman, on mettra au jour les mécanismes sous-jacents à deux caractéristiques déroutantes du système verbal : absence de Formes II-III et labilité de la voyelle thématique. Ceci est la clé d'une compréhension correcte de la structure du système verbal mehri et, au-delà, du statut des gabarits dans la grammaire. La détermination du nom et l'état construit en mehri et jibbāli sont encore mal connus. L'article défini, absent du mehri du Yémen, prend des formes diverses suivant les dialectes omanais où il est attesté. Il existe en jibbāli, mais ses réalisations de surface sont complexes. Il s'agira de préciser ses réalisations phonétiques, sa représentation phonologique, son statut syntaxique. Ces trois domaines sont étroitement liés : la compréhension de la réalité phonétique et des effets phonologiques de l'activité glottale est un préalable nécessaire à l'élucidation du comportement phonologique des préfixes verbaux comme du statut phonologique et syntaxique de l'article. Enfin l'étude méthodique de la variation dialectale en SaM sur les points précédents, encore floue, alimentera le débat comparatiste à trois niveaux : structure du SaM, du sud-sémitique, du sémitique. Sur le plan des ressources humaines, le projet rassemble des linguistes travaillant sur le SaM au sein de plusieurs institutions en France, ainsi que des spécialistes reconnus des langues sémitiques et plus généralement afroasiatiques. Les principaux domaines linguistiques sont couverts, plusieurs cadres théoriques représentés, ce qui assure au projet une synergie fructueuse. L'objectif est de faire exister un réseau dynamique de spécialistes des langues SaM, bien visible au niveau international. Outre diverses communications, publications dans des revues de référence et organisations de conférences, trois livrables sont programmés :

  • un corpus électronique de données linguistiques en mehri et jibbāli
  • un ouvrage sur le système verbal mehri
  • un n° spécial de Arabian Humanities sur l'apport du SaM au comparatisme sémitique.

Organisation du projet